Tandis que les océans grandissent sous l'impulsion du dérèglement climatique, l'eau douce se raréfie. C'est un fait. Et le fléau n'est plus l'apanage des pays du Sud. Dans nos zones tempérées, le paradoxe est tel que les longues périodes de sécheresse sont compensées par de courtes mais intenses phases de pluie. La pluviométrie est alors diluvienne. Trop. Et les réseaux pluviaux sont saturés. Alors trop d'eau ? Sûrement pas, mais leur gestion est en question. Et à ce problème, la récupération des eaux de pluie sur les bâtiments (surtout en zone urbaine) apporte un début de solution. Parallèlement chacun gère ses ressources en eau de sorte à limiter l'impact des sécheresses.
Place à la raison
D'un point de vue plus individuel, la récupération a aussi ses raisons, que la raison connaît bien. Commençons par quelques chiffres : une chasse d'eau économique utilise entre 20 et 30 litres d'eau par jour et par personne. Un jardin réclame de 15 à 20 litres par mètre carré à chaque arrosage. Un lave-vaisselle demande entre 10 et 15 litres à chaque lavage, un lavelinge représente 10 % de nos consommations en eau... potable. Car en France, l'eau qui coule du robinet est potable, réclamant de nombreux et coûteux traitements la rendant « propre à la consommation humaine ». Cette eau si rare et fruit de tant d'attentions est bien souvent gaspillée sans plus de cas, parfois rejetée sans être consommée, ni même souillée. La première des choses à faire est donc bien entendu de limiter ces gaspillages. Dans un second temps, récupérer l'eau tombée du ciel semble l'évidence même. Mais évidence ne signifie pas simplicité. D'un côté : une manne à exploiter, de l'autre : la frilosité des autorités quant aux usages de cette eau.
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Gaspillages
- Un robinet qui fuit consomme 12 litres d'eau par minute
Une chasse d'eau consomme entre 20 et 30 litres d'eau par jour et par personne.
Flou réglementaire
Une chose est certaine : depuis Napoléon, et selon l'article 641 du Code Civil, tout propriétaire a le droit d'user et de disposer des eaux pluviales qui tombent sur sa propriété. Légalement, rien n'interdit à un particulier d'utiliser l'eau de pluie comme bon lui semble. Mais la subtilité intervient à un autre niveau : celui des incitations fiscales. Ainsi, la loi sur l'eau de décembre 2006 promettait un crédit d'impôts sur les installations de récupération d'eau de pluie. Mais il a fallu attendre le mois de mai de l'année suivante pour voir arriver un arrêté actant les conditions d'attribution dudit crédit.
les propriétaires se sont lancés dans la récupération d'eau de pluie
avec 75 m2 de toiture et une cuve de 6000 litres.
Une installation qui permet de limiter les consommations
liées à l'arrosage du jardin et au fonctionnement des WC.
(Photo Wilo)
Et la douche fut froide. Car pour obtenir le crédit d'impôts, l'eau de pluie doit rester cantonnée aux usages extérieurs ; entendez : jardin et lavage de la voiture. Une limitation qui en a déçu plus d'un et qui trouve son origine dans la position du Conseil Supérieur de l'Hygiène Publique Française. Défavorable à une utilisation domestique, le CSHPF évoque le doute quant aux qualités sanitaires de cette eau et déconseille son utilisation pour l'alimentation ou l'hygiène corporelle. Il est pourtant des postes de consommation (gourmands) qui n'ont rien à voir avec la cuisine ni la douche... WC et lavage des sols, par exemple. A ce propos, le Conseil soulignait que « l'utilisation d'eau de pluie sans traitement ne présente pas, sauf contexte environnemental particulier, de risques inacceptables pour la santé. » Mais le véritable problème est ailleurs. Il réside dans le double réseau (eau de ville/eau de pluie) et la crainte que l'eau récupérée en toiture ne vienne « polluer » les réseaux, et surtout dans la taxe sur l'assainissement, les consommateurs d'eau de pluie ne contribuant pas au traitement de l'eau à hauteur de leur consommation. Mais ces frilosités ou ces recommandations ne font pas loi. Ces réticences n'ont de poids qu'à un niveau fiscal : pas conforme aux recommandations signifie pas de crédit d'impôts. Ceci étant dit, à l'heure où nous écrivons, un projet d'extension de l'arrêté aux WC et au lavage des sols pourrait être prochainement publié. Le lavage du linge et les usages corporels et alimentaires restent malgré tout hors de propos. Rien n'interdit toutefois de le faire...
Les avancées sur la qualité
Pourtant, les technologies sont aujourd'hui bien abouties et les systèmes ont bénéficié d'innovations largement rassurantes quant à la qualité de l'eau. Ainsi, si l'arrêté du 4 mai 2007 oblige à un certain nombre d'installations (cf. encadré), les industriels répondent, depuis bien longtemps, à ces exigences pour garantir l'efficacité du matériel, ils les dépassent amplement sur la question de l'innocuité des eaux récupérées. Ainsi le groupe hydrophore qui permet de distribuer l'eau collectée peut être muni d'un filtre classique ou d'un matériel plus performant avec une porosité de 10 microns. Après un tel passage, l'eau acquiert la pureté exigée pour tout usage non alimentaire... même au-delà du jardin. Mieux ? L'installation d'une filtration supplémentaire avec une cartouche céramique (d'une porosité de 0,4 microns) et un filtre au charbon ou traitement UV déleste l'eau de tous les micro-organismes, bactéries, métaux lourds et polluants qu'elle contient. Elle devient propre à la consommation. Et des tests réguliers (ainsi qu'un nettoyage fréquent) le prouveront aux plus réticents.
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Nos voisins... en avance
- En Belgique, toute construction neuve est obligatoirement pourvue d'un système de récupération des eaux de pluie pour les usages extérieurs et pour les WC. En Allemagne, la récupération d'eau pluviale est entrée dans les moeurs depuis plus de 20 ans. En 2006, on estimait à 500 000 le nombre d'installations en service dans ce pays.